Vous avez dit voiture « propre » ? Oh ! le gros mensonge !

La voiture « propre » n’existe pas, pas plus que le train « propre » ou le vélo « propre ». Laisser croire que l’humanité toute entière roulera en voiture électrique est un mensonge. Remplacer la guerre du pétrole par celle du lithium ou des terres rares ne réduira pas les dégâts écologiques, économiques et humains.

Transpòrt 4

 

La première des choses est de faire en sorte que les emplois des personnes travaillant dans le secteur automobile, directement ou indirectement, soient l’objet de notre attention. Il serait injuste que la crise soit payée une fois de plus par ceux qui travaillent et ont fait la richesse de ceux qui les jettent aujourd’hui à la rue.

Ce secteur va payer la crise, cette crise du Covid 19, mais aussi celle qui nous touche depuis des années à savoir la crise écologique. Cette dernière interrogeait déjà fortement le modèle automobile, l’autre vient comme un choc frontal.

L’État lance un plan de relance et de soutien à l’automobile. On met à la poubelle les envolées sur le monde d’avant et le monde d’après. On nous explique que l’on aura des voitures propres. Propres ? Parce qu’elles fonctionnent à l’électricité ? Avec des batteries au lithium ? Des batteries que l’on fabrique loin de chez nous, qui sont le produit de l’exploitation de mines dont la plupart sont en Chine, au Chili, en Australie et pour certaines dans des zones écologiquement hypersensibles ? Avec des batteries que l’on aura du mal à recycler ? Avec de l’électricité nucléaire ?

Oui, on utilisera l’hydrogène. Oui, il y aura des progrès avec des batteries au sodium, des lithium-soufre, des batteries au magnésium. Dans combien de temps ? Pas demain matin c’est sûr. Croit-on pour autant sauver le modèle né de l’automobile à tout-va ?

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C’est une voie sans issue. Ce qu’il faut c’est la diversification. Réduire le gazole et l’essence, certes, mais tout miser sur l’électrique est impossible. Impossible écologiquement, économiquement, techniquement et même socialement. Alors on peut toujours donner des primes pour vider les stocks, encourager à la marge la voiture électrique, mais cela ne changera pas la donne générale. Il n’y aura pas la place sur la planète pour des voitures individuelles pour tous. Ou alors il faut se résigner à garder hors du développement des milliards de femmes et d’hommes et se préparer à un monde dégradé, écologiquement, économiquement, socialement voire militairement.

Si nous passons de la guerre du pétrole à celle du lithium et des terres rares qu’aurons nous gagné ? Sans compter qu’il faudra gérer la guerre de l’eau potable et autres batailles ; celle de l’air, de l’alimentation de base.

Nous avons inventé le concept de mobilité pour ne plus utiliser le mot de transport. Était-il vulgaire ? On a juste changé le paquet, l’emballage. Le problème reste le même. La mobilité à tout prix n’est pas une vertu. Nous devons alléger la circulation routière, aérer nos villes, permettre à ceux qui vivent hors des villes de se passer au maximum de la voiture.

Un ministre de l’économie, Bruno le Maire, déclarait il y a peu : « j’adore la voiture, j’adore conduire ; la voiture c’est la liberté ; elle appartient à la culture française, la voiture c’est la France ; en URSS, il n’y avait pas de voiture car il n’y avait pas de liberté ». Faut-il commenter cette phrase ? C’est donc le goulag ou la voiture ! Quel simplisme. Il ajoutait pour faire bonne mesure : « La liberté automobile doit être garantie dans le respect de la planète ». La liberté automobile ! Et à quand un chantre de la liberté trottinette ? Non, ni la voiture, ni le train, ni l’avion, ni le vélo ne sont des garanties de liberté. Confondre la Liberté avec un grand « L » avec la possibilité de circuler est une caricature.

Trin 2

Nous devons créer de vrais réseaux de transport ferroviaire pour les humains et les marchandises. Nous devons rétablir, réhabiliter des lignes abandonnées et en construire de nouvelles. Il faut remettre du chemin de fer de proximité sur nos cartes de géographie. Et il n’est pas nécessaire d’aller à 280 km/h. Des trains sûrs, réguliers, confortables, et des réseaux biens interconnectés suffiront. On sait faire. Alors faisons ! La technologie est éprouvée, l’intérêt écologique est prouvé.

Concrètement ? Regardez les lignes de tram qui existaient en Béarn il y a un siècle. Il y en avait beaucoup. On voit encore certaines gares rurales qui ont perdu leur vocation première. Construisons aussi de nouvelles lignes. Tiens pourquoi pas une Artix-Oloron qui relierait Bordeaux à Saragosse sans passer par Pau ? Pourquoi s’acharner à faire passer les train Paris -Tarbes à Pau alors qu’une ligne existe passant par Riscle et rejoignant Mont-de-Marsan ? Et l’on pourrait citer d’autres exemples.

Il y a dans le bulletin de la Fédération Nationale des Usagers des Transports une phrase qui résume le problème français : « Le réseau ferré forme un tout qui doit mailler l’ensemble du territoire : les petites lignes ne sont ‘’ petites’’ que vues depuis un bureau parisien ».

Trin 5

Il ne s’agit pas de sacrifier la voiture individuelle au nom d’une idéologie mais simplement de dire que cet outil doit désormais être utilisé parmi d’autres outils. Pas de sacrifice mais pas de culte non plus. Il n’existe pas de voiture propre, pas de bateau propre, pas de train propre, pas de vélo propre ! C’est un abus de langage. Et en cette période se payer de mots serait indécent. Chaque activité humaine est productrice de nuisances. Nous avons les outils pour les réduire au maximum ; nous devons les utiliser et ne pas nous enfermer dans la réflexion à court terme.

Certes, la crise sanitaire semblait, pour certains, devoir accélerer la prise de conscience qu’il fallait changer de façon de vivre. Alors repartir avec les recettes d’avant et ces plans de relance qui contredisent l’avenir, c’est vraiment être en dessous de tous les espoirs, même des plus réalistes ou des plus pessimistes.

David Grosclaude

Paradòxa virau e virus paradoxau/Virus paradoxal et paradoxe viral

ARTICLE BILINGUE  : VERSION OCCITANE SUIVIE DE LA VERSION FRANÇAISE

En ua crisi subèrmediatizada e subèrcomentada lo Covid 19 nos revèla dilhèu las duas caras de la masca

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Lo diu de las duas caras, Ianus (maestro dei mesi, museo de la cattedrale Ferrara. Fòto de Nicola Quirico, wikimedia commons)

 

La paradòxa prumèra, en aqueth ahar de virus, qu’ei la crida a la « mobilizacion » acompanhada deu famós « demoratz a casa ! ». La mobilizacion qu’ei lo contrari de l’embarrament, de l’immobilisme. Mobilizà’s qu’ei desplaçà’s. Qu’èi trobat ua auta expression qui jogava sus la paradòxa. En anglés qu’èi legit « Alone together ! » ( sol amassa ).

Mes las paradòxas no’s limitan pas a las expressions en aqueth periòde virau.

I a monde qui pensan que, au sortir d’aquesta crisi, arren non serà com abans. Deu malastre espelirà un aute monde. Qu’ei ua vision optimista a laquau e podem créder ; mes qu’èi un dobte. Que credi que calerà energia, volontat politica e enqüèra combats entà que vienga l’endoman tant esperat. L’experiéncia non jòga pas en favor de l’optimisme. On ei lo monde gessit de Chernobil e de Fukushima ? A noste, jamei lo nuclear n’aurà costat autant car pr’amor deu naufragi de l’EPR. E totun, la hèsta que contunha. Calculatz quantes lheits d’espitau averem podut crear dab la subèrcòst de l’EPR ! Que da ua idea de çò qui pòt estar un aute monde !

En economia tanben arren non serà com abans ! Mes las solucions prepausadas que son las deu monde de ger : sostiéner lo sector automobile a tot hòrt, lo transpòrt aerian. E cadun de dar la soa solucion entà tornar lançar la produccion, lo consum… com abans ! Que parlam dab los indicators de ger (valors en borsa, PIB, corba de consum…). Que ploran sus la baisha deu consum shens se demandar çò qui ei indispensable e çò qui non n’ei pas.

Ajustem quauques expressions. Qu’ei ua « crisi màger» , « la mei grana dempuish la dusau guèrra mondiau », « lo dèute public que serà gigant » etc… Non trobatz pas indecent de deishar enténer que lo Covid 19 averé la mendra semblança dab la crisi de 2008, qui era, estó sonque ua malaudia de l’especulacion ?

Lo deute

Que jògui tanben que i aurà ganhants en aquera crisi ; los medishs, com de costuma. Los messatges generós de sostien enviats per quauques bancas a destinacion deus particulars o de las enterpresas petitas en dificultat non son pas de bon créder. I credetz enqüèra vos a las bancas qui son au capcèr deus mei fragiles ?

Los economistas, en los mèdias, que son concurrenciats per l’andada de vulgarizacion d’informacion scientifica a prepaus deu virus. Mes que vòlen guardar un imatge scientific. L’economia seré ua sciéncia ! Donc qu’avem dret a analisis mei o mensh pertinentas. L’un qu’explica sus un gran canau de television francés que l’Estat ajudarà las enterpresas mes pas los « guits tòrts ». Un pauc de darwinisme economic ! La crisi que servirà a’s desbarrassar deus inutiles.

D’autes justifican que son distribuits dividendes mentre que milions de personas perden lo lor tribalh. Ei aquò lo monde qui càmbia ? Un aute explica que lo dèute nos plombarà per decenias. Que serem a víver a crèdit e que deisharem la factura tà las generacions qui vienen ! Mes dempuish quantes decenias e vivem en minjar lo capitau naturau e ecologic collectiu au profièit de quauques uns tostemps mei rics ? Ei economia de la bona aquò, ei economia virtuosa ? Que hè decenias qu’empruntam a 0% a las generacions qui vienen e que vivem sus un eretatge qui guastam e desperdiciam. Non vedi pas perqué e hèn tant de brut a prepaus deu deute public ? Que i a longtemps que vivem sus aqueth sistèma mes vertat ei, lo indicators economics deu moment n’ac prenen pas en compte.

Tanben, darrèr lo discors suu deute public qui creish, que sentim plan puntejar l’aute discors qui consisteish a díser que calerà har sacrificis, tribalhar mei. Que jògui que la question de l’alongament deu temps de tribalh que va tornar dab fòrça. E puish tanben las question ecologicas que riscan de non pas mei estar prioritàrias, se per cas n’estón un dia.

Compassion mediatica

La paradòxa que’s tròba tanben dens los messatges d’autosatisfaccion qui’ns distribuim. Que cau picar de las mans cada ser en solidaritat dab los qui suenhan. La compassion mediatica ei un produit a bon compte. Qu’ei en venta juste au ras deu taulèr de la solidaritat peu clic, sabetz la peticion en linha, la susmauta per hialat sociau. Corneille qu’averé segur escriut : « Que partim cinc sus Twitter e Facebook mes, promptament aprodelats, que’ns trobèm lèu 5000 followers en arribant au pòrt (USB) ! »

La compassion mediatica, tà qué har ? Tà’s desbrombar qu’èm dilhèu responsables collectivament d’ua politica qui a decidit de redusir los mejans en favor de la santat. Alavetz, vertat ei que podem reconéisher las errors passadas e afirmar que las volem reparar. Tant de bon ! Còste çò que còste ? Vertadèrament ? La question vau d’estar pausada. Respóner que òc qu’ei plan mes pas en pensar que la factura serà pagada per d’autes.

Que m’arriba de pensar que la crisi qu’ei subèrmediatizada, subèrcomentada, pr’amor qu’ei enfin lo projècte collectiu qui mancava a ua societat qui non n’avèva pas nat. Cinisme ? Lhèu. Tots los ingredients que i son : l’enemic cautelós e invisible, los eròis inatenduts, las victimas innocentas, evidentament, e los adjectius qui acompanhan tot aquò com « istoric », « catastrofic ». E puish lo ton guerrèr. Que serem en guèrra ! Darrèr que vienen donc los mots de solidaritat, engatjament, sacrifici…Mes que serà la solidaritat dens ua societat dispausada a sacrificar las libertats individuaus en per la securitat ? La question qu’estó pausada dab los atemptats terroristas e que torna dab lo Covid 19.

Lo centralisme : lo remèdi

Paradòxa tanben quan s’i parla de préner en compte la disparitat territoriau deu problèma sanitari e quan entenem tantes elegits locaus demandar tostemps instruccions mei a l’Estat. Las collectivitats n’an pas pro de mejans, n’an pas pro de poders, qu’ei vertat ; mes lo sistèma centralista qu’a hèit espelir uas generacions d’elegits formatats a esperar las instruccions de l’Estat. Un sistèma qu’a tendéncia a crear çò qui ei necessari au son foncionar e necessari a la justificacion de la soa existéncia. Quauques uns que son en capacitat de préner decisions. D’autes que volerén mes non n’an pas los mejans e lo poder. Que son minoritaris comparats dab los qui atenen sonque la decision de l’Estat e deus sons representants o la paraula deu president de la Republica ! L’ideau per quauques uns seré que totas las decisions se podossin préner de faiçon unifòrma sus l’ensemble deu territòri francés. Mes tot aquò n’a pas nat sens. Lo virus, com la radioactivitat de Chernobil, se trufa plan beròi de las termièras quan serén presentadas com protectoras contra lo mau en question.

L’Estat que torna donc en fòrça ! Ei aquò lo monde d’après ? Que sembla hòrt lo monde de ger e quitament lo de delà ger. L’Euròpa absenta : perqué ? Pr’amor las decisions europèas demoran enter las mans deus caps d’Estats. Donc s’ei paralizada qu’ei en rason deu replec deus Estats sus se-medishs.

E puish que i a lo retorn deu vielh departament ! Ah lo departament sauvador ! Roge, verd.

Las vertuts de la descentralizacion —se n’i a en aqueth domeni— non son pas debatudas. Arrés n’explican que la responsa descentralizada qu’a dilhèu permetut de redusir l’amplor de la crisi en Alemanha. E que demori prudent ; qu’ac calerà verificar e analizar. Au contra qu’explican en quauques mèdias qu’en Espanha las rivalitats regionaus qu’averén accentuat la crisi ! Ua afirmacion gratuita mes tan confortabla en aquera tempasada de replec estatau !

Totun, lo sistèma federau american qu’empacha lo president de préner decisions catastroficas. Qu’ei un element interessant en aqueth debat.

Alavetz a tots los qui vòlen contrapoders e qui denóncian la gestion francesa de la crisi que’us conselhi de pensar tanben aus poders descentralizats en mei deus autes.

La masca e las duas caras

En las paradòxas que i podem tanben comptar las famosas mascas. Que las deveram portar segurament pendent quauque temps. Ua masca perqué ? Lhèu qu’ei com d’aver duas caras : l’ua entà’s protegir e l’auta tà protegir los autes. La dusau cara qu’ei ua vision optimista de l’Umanitat. Que credi meilèu que la masca serà prumèr lo signe de la menshidança cap a l’aute, qui ei lo perilh , lo portaire deu mau. E serà aquò lo monde nau ?

D’aver duas caras qu’ei estar com Janus, lo diu roman de las duas caras. Qu’espia darrèr e davant. Qu’ei tanben lo diu de las fins e deus començars. Dens ua man qu’a un baston tà indicar lo camin e dens l’aute la clau tà obrir las pòrtas.

Que me’n vedi tà créder que de la crisi aquesta e sortirà un monde mei bon shens qu’agim besonh de har esfòrç deus grans e de granas remesas en question. Metem nos d’acòrd sus la direccion indicada per Janus e siam segurs que la clau qui tien a l’auta man non pòt pas obrir pòrtas quaus que sian. Que i a pòrtas qui deven estar barradas e qui non deveram pas jamei tornar obrir, particularament en los domènis economic e ecologic.

Que m’en vedi entà créder en la capacitat de l’umanitat a tirar rapidament las leçons d’ua crisi coma aquesta, mes qu’ac desiri hòrt. Totun, a quauques òras deu començar deu desconfinament/ desembarrament, que’n soi enqüèra a manejar la paradòxa e a’m díser qu’averí podut titolar aqueth article : « Que serà miélher ger ! » o « Qu’èra miélher doman ! ». Mes que demori optimista, « còste çò que còste ! ».

David Grosclaude

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Virus paradoxal et paradoxe viral

Dans un crise surmédiatisée et surcommentée le Covid 19 nous revèle peut-être les deux visages du masque

Le premier paradoxe dans cette affaire de virus, c’est l’appel à la « mobilisation » accompagnée de ce fameux « restez chez vous ! ». La mobilisation est le contraire du confinement, de l’immobilisme. Se mobiliser c’est se déplacer.

J’ai trouvé une autre expression tout aussi paradoxale ; en anglais j’ai lu « Alone together ! » ( seul ensemble ).

Mais les paradoxes ne se limitent pas aux expressions de cette époque virale.

Il y a des gens pour penser qu’au sortir de la crise rien ne sera comme avant. Du malheur devrait sortir un autre monde. C’est une vision optimiste à laquelle nous pouvons croire ; mais j’ai un doute. Je pense surtout qu’il faudra de l’énergie, de la volonté politique et des combats pour que vienne ce lendemain espéré. L’expérience ne joue en affet pas en faveur des optimistes. Où est le monde sorti de Tchernobyl et de Fukushima ?

Chez nous jamais le nucléaire n’a été aussi coûteux en raison du naufrage de l’EPR. Et pourtant la fête continue. Calculez un peu combien de lits d’hôpitaux on aurait pu faire avec le surcoût de l’EPR. Ça nous donne une idée de ce que peut être un autre monde !

En économie non plus rien ne sera comme avant ! Pourtant les solutions proposées sont celles du monde d’hier : soutenir le secteur automobile à tout prix, soutenir le transport aérien…Et chacun donne ses solutions pour relancer la consommation, la production…comme avant ! On nous parle avec des indicaturs d’hier (valeurs en bourse, PIB,courbes de consommation, etc). Certains pleurent sur la baisse de la consommation sans réfléxion préalable sur ce qui est indispensable et ce qui ne l’est pas.

Ajoutons à tout cela des expressions comme : « c‘est une crise majeure », « la plus grande depuis la deuxième guerre mondiale » , « la dette publique sera géante » et j’en passe. Il me semble qu’il est assez indécent de laisser entendre que la crise du Covid 19 aurait la moindre ressemblance avec celle de 2008, qui elle, ne fut qu’une maladie de la spéculation.

La dette

Je parie qu’il y aura des gagnants dans cette crise. Les mêmes, comme d’habitude. Les messages généreux et de soutien, envoyés par quelques banques à destination des particuliers ou des petites entreprises sont peu crédibles. Vous y croyez encore vous à ces banques au chevet des plus fragiles ?

Les économistes, dans les médias, sont concurrencés par la vague de vulgarisation d’information scientifique concernant le virus. Les économistes veulent aussi garder leur image scientifique. L’économie serait une science ! Alors on nous gratifie d’analyses plus ou moins pertinentes.

J’en ai entendu un sur une grande chaine de télévision, qui expliquait, à propos de l’aide de l’État aux grandes entreprises, que l’État aidera, mais pas les « canards boiteux ». Un peu de darwinisme économique ! La crise va donc nous aider à nous débarasser des inutiles.

D’autres justifient la distribution des dividendes alors que des millions de personnes perdent leur travail. C’est cela le monde qui change ? Un autre explique que la dette va nous plomber pour des décennies. Nous serions donc à la veille d’une période où nous allons vivre à crédit. Et la facture sera pour les générations à venir ! Mais depuis combien de décennies vivons-nous en mangeant le capital naturel et écologique collectif au profit de quelques uns qui s’enrichissent ? C’est cela la bonne économie, l’économie vertueuse ? Cela fait des décennies que nous empruntons à 0% aux générations qui viennent et que nous bouffons leur héritage. Mais cette dette-ci, nos indicateurs économiques actuels ne savent pas la mesurer et ne la voient pas. Pas très scientifique !

Mais derrière le discours sur la dette publique on sent bien pointer l’autre discours qui consiste à dire qu’il faudra faire des sacrifices, travailler plus. Je parie que la question de l’allogement du temps de travail va se poser à nouveau avec force. Quant aux questions écologiques elles risquent bien de ne plus être prioritaires, si par hasard elles le furent un jour.

Compassion médiatique

Le paradoxe se trouve aussi dans les messages d’autosatisfaction que nous nous distribuons. Il faut applaudir chaque soir en solidarité avec les soignants. La compassion médiatique est un produit bon marché. Il est en vente juste à côté de l’étal qui vend de la solidarité par le clic, vous savez, la pétition en ligne, la révolte par réseau social qui aurait pu faire écrire à un Corneille moderne « Nous partîmes cinq sur Twitter et Facebook mais, par un prompt renfort nous nous trouvâmes cinq mille followers en arrivant au port (USB) ! »

La compassion médiatique c’est aussi peut-être pour oublier que nous sommes collectivement responsables d’une politique qui a décidé de réduire les moyens en faveur de la santé. Alors, il est vrai que nous pouvons reconnaître les erreurs passées et affirmer que nous voulons les réparer. Tant mieux. Que ça coûte ce que ça coûtera ? Vraiment ? La question mérite d’être posée. Répondre oui est une chose, mais pas en pensant que la facture sera réglée par les autres.

Il m’arrive de penser que la crise est surmédiatisée, surcommentée, parce qu’elle nous donne enfin le projet collectif qui manquait à une société qui n’en avait aucun. Cynisme ? Peut-être. Tous les ingrédients y sont pourtant : l’ennemi sournois et invisible, les héros inattendus, les victimes innocentes, évidemmment, et les adjectifs qui accompagnent tout cela comme : « historique » , « catastrophique ». Et puis il y a le ton guerrier .Nous serions en guerre ! Et donc viennent les mots « engagement », « sacrifice », « solidarité »…Mais que sera la solidarité dans une société disposée à sacrifier les libertés individuelles pour la sécurité ? La question fut posée avec les attentats terroristes et elle revient avec le Covid 19.

Le centralisme est le remède

Paradoxe aussi quand on parle de prendre en compte la disparité territoriale du problème sanitaire et quand nous entendons tant d’élus locaux demander toujours plus d’instructions à l’État. Les collectivités territoriales n’ont pas assez de moyens et de pouvoirs, c’est vrai. Le sytème centralisé et centraliste a fait naître et croître des générations d’élus formatés à attendre des instructions de l’État. Un système a tendance à créer ce dont il a besoin pour fonctionner et nécessaire à sa justification. Il y en a quelques-uns qui son en capacité de prendre des décisions. D’autres voudraient mais n’en ont pas les moyens et le pouvoir. Ils sont minoritaires comparés avec ceux qui attendent seulement la decision de l’État, de ses représentants ou la parole du président de la République ! L’idéal serait pour certains que toutes les décisions puissent se prendre de façon uniforme sur l’ensemble du territoire français. Mais tout cela n’a pas de sens. Le virus comme la radioactivité de Tchernobyl se moque bien des frontières, même présentées comme protectrices contre le mal en question.

L’État revient donc en force ! Est-ce cela le monde d’après ? Il ressemble beaucoup à celui d’hier et même d’avant-hier.

L’Europe absente : pourquoi  ? Parce que les décisions européennes restent entre les mains des chefs-d’États. Donc si elle est paralysée c’est en raison du repli des États sur eux-mêmes.

On voit même le retour en grâce du département ! Ah le département sauveur ! Rouge ou vert.

Les vertus de la décentralisation — s’il y en a en ce domaine— ne son pas débattues. Personne n’explique que la réponse décentralisée a peut-être permis de réduire l’ampleur de la crise en Allemagne. Et je reste prudent ; il faudra vérifier et analyser. Au contraire dans certains médias français j’ai entendu qu’en Espagne les rivalités entre régions auraient accentué la crise ! Une affirmation gratuite mais confortable en ces temps de repli étatique. Cependant, le système fédéral américain empêche sans doute le président de prendre des décisions catastrophiques. C’est un élément intéressant du débat.

Alors à tous ceux qui souhaitent des contrepouvoirs et qui dénoncent la gestion française de la crise, je leur conseille de penser aussi aux pouvoirs décentralisés, en plus des autres.

Le masque et les deux visages

Parmi les paradoxes je mettrai aussi les fameux masques. Nous devrons en porter pendant quelques temps. Un masque : mais pour quoi faire ?

C’est peut-être comme d’avoir deux visages : l’un pour se protéger soi-même et l’autre pour protéger les autres. Le deuxième visage est la vision optimiste de l’humanité. Je crois plutôt que le masque sera d’abord le signe de la méfiance face à l’autre, qui sera le danger, le porteur du mal. Est-ce cela le monde nouveau ?

D’avoir deux visages c’est ressembler à Janus, le dieu romain aux deux visages.

Il regarde devant et derrière, il est le dieu des fins et des commencements. Dans une main il a un bâton pour indiquer le chemin et dans l’autre la clé pour ouvrir les portes.

J’ai du mal à croire que de cette crise sortira un monde meilleur sans que nous ayons à faire de très gros efforts et de très grandes remises en question. Mettons nous d’accord sur la direction que nous montre Janus et soyons certains que la clé qu’il a dans l’autre main n’ouvre pas n’importe quelle porte. Certaines doivent être refermées et ne devront jamais être réouvertes, notamment en matière économique et écologique.

J’ai du mal à croire à la capacité de l’humanité à tirer rapidement les leçons d’une telle crise, mais je le désire. Pourtant, à quelques heures du début du déconfinement, j’en suis encore à à manipuler le paradoxe et à penser que j’aurais pu intituler cet article : « Ce sera mieux hier ! » ou « c’était mieux demain ! ».

Mais je reste optimiste, quoi qu’il en coûte !

David Grosclaude