L’audiovisuel public doit se décentraliser …vraiment

 

Le centralisme audiovisuel n’est que la traduction  médiatique d’un centralisme qui empêche de penser et nous infantilise. La crise que connait France 3 illustre cette situation. 

 

Le système audiovisuel français public est en crise. La situation de France 3, avec cette pitoyable et minable suppression temporaire de programmes locaux, en est la preuve.

Les salariés de France 3 font les frais d’un système qui n’a qu’une logique depuis des années : celle de la centralisation.

France 3 n’a jamais eu de vrai rôle de télévision régionale et il n’y a jamais eu de télévision régionale véritable en France dans l’audiovisuel public ( et pas plus dans le privé d’ailleurs).

C’est une maladie de ce pays. Il ne supporte pas que les décisions puissent se prendre ailleurs que dans des bureaux parisiens. C’est vrai pour la politique comme pour l’audiovisuel.

La holding France Télévisions va devoir faire des économies. Les fera t-elle sur une des chaines les plus récentes  (France 4, France 5 France 24) ? Non c’est sur France 3 que se feront ces économies en priorité. Cela signifie que la télévision régionale, déjà quasi virtuelle deviendra l’ombre d’elle-même.

On va augmenter de 4 euros la contribution à l’audiovisuel public ( la redevance) pour récolter 164 millions d’euros de plus. Cet argent ira pour plus de 75 % à France Télévisions et le reste ira à Radio France (environ 18%)  puis enfin à Arte, l’INA et les sociétés de l’audiovisuel extérieur.

 

La télévision et la radio

 

La redevance c’est environ 3 milliards d’euros par an. C’est énorme, mais c’est moins que dans d’autres pays. Oui, mais ailleurs on a pas peur de faire des télévisions publiques régionales ou ayant vocation à  donner la parole à un territoire qui a parfois sa langue propre.

Certains pays n’ont pas de redevance. Nous, nous en avons une et nous n’avons pas de télévisions régionales, aucun espace pour nos langues ; et les fréquences de la télévision numérique ont été livrées à de grands groupes privés (centralisés aussi)  qui nous proposent une soupe audiovisuelle peu digeste.

France 3 va mal, mais France 3 n’est pas la préoccupation première de sa société mère France Télévisions. Le personnel va donc trinquer et payer les erreurs du passé et le refus de décentraliser enfin l’audiovisuel public.

Et ce n’est pas qu’une maladie télévisuelle. Regardez, ou plutôt écoutez  Radio France et ses locales de France Bleu. Jamais la radio publique n’a osé la régionalisation, la vraie autonomie, la vraie différence. Le cordon est bien toujours là entre les locales et Paris. Le choix du local est d’ailleurs officiellement couvert par un discours sur la proximité, sur le local ; on aurait pu faire pour la radio le choix du régional mais non, on a fait celui du local. C’est un choix qui n’est pas neutre politiquement.

 

Dynamisme social et culturel

 

Je ne vois pas d’issue pour l’énorme machine de l’audiovisuel public dans cette crise. On va encore nous mettre une dose de centralisme que l’on va justifier par des besoins d’économies.

Nous devons  dire qu’il faut créer des télévisions de plein exercice hors Paris, de vraies télévisions dans les grandes capitales régionales qui seront capables de regarder le monde depuis chez nous.

Nous sommes handicapés par le centralisme audiovisuel comme nous le sommes par le centralisme politique. L’un alimente l’autre et vice-versa.

C’est une catastrophe pour le dynamisme social, économique et culturel de nos territoires. La télévision publique, qui court après l’audience comme la télévision  privée, est monopolisée par de petits groupes, liés au pouvoir politique et économique. La plupart des émissions sont faites par les mêmes qui chaque année, à l’occasion du Mercato audiovisuel, échangent leurs sièges. Combien sont ils au total ? 50 ? 100 ?

 

Classe dominante

 

Regardez aussi ceux qui sont les invités dans les émissions de ce petit monde ! Toujours les mêmes qui viennent faire de la promotion de leurs livres, de leurs spectacles, quand ce n’est pas la promotion de l’émission qui se fait sur une autre chaine. Nous sommes dans l’auto alimentation, dans le narcissisme le plus achevé.

 A la classe dominante, politique et économique, est venu s’ajouter un petit groupe de personnes qui tient le PAF, sur un kilomètre carré. Il y a quelques années certains sociologues estimaient la classe dominante en France à un groupe de 5000 personnes parmi lesquelles il y avait les politiques, les économiques et quelques membres de la haute administration. Vous y ajoutez aujourd’hui quelques personnalités des médias, et particulièrement de la télévision et vous en avez fait le tour. On étouffe ! 

 Alors comment, par exemple, être un artiste hors-Paris dans ces conditions si ce n’est en étant condamné au provincialisme et aux regards condescendant des vrais artistes, ceux qui occupent l’écran. Il faut du courage pour casser ce système. Il régente tout, hiérarchise tout en partant du haut, du centre.

L’étouffoir médiatique est général, privé et public. Il partage le pays (et même le monde) entre ce qui est à Paris et hors-Paris.

 

Partageons la redevance

 

Alors oui, ayons le courage de dire que dans ces conditions l’audiovisuel public ne fait pas son travail  et qu’il doit se réformer en profondeur. France 3 pourra t-il se transformer pour donner naissance à de vraies  télévisions régionales  autonomes ?  Je l’espère mais j’en doute. Il y a des blocages  pour une telle réforme, ne serait-ce que la peur de lâcher la bride aux régions.

Mais les blocages sont aussi internes à France Télévisions et à France 3. Et ils existent même dans la classe politique des régions qui n’ose imaginer dans sa grande majorité de pouvoir prétendre à ce que toutes les régions d’Europe ont depuis longtemps. Le manque d’audace prouve que

le centralisme nous à infantilisé. Il empêche de penser, il rend peureux, craintif.

Alors disons clairement qu’il y en a assez de payer une « contribution à l’audiovisuel public » qui n’est qu’un moyen de plus de renforcer ce système. Exigeons qu’une partie conséquente (30, 40, 50%?)  de la redevance que nous payons soit dédiée au financement de télévisions  publiques régionales autonomes.

je n’évoque même pas la situation des langues dites régionales tellement le sort qui leur est fait dans l’audiovisuel public est honteux. J’admire ceux qui font leur travail dans une de ces langues dans l’audiovisuel public. C’est la bataille permanente pour exister, pour être reconnu par le centre (et même pour être  reconnu dans sa propre maison ) et je sais de quoi je parle.

Quant à suppression de  la publicité sur les ondes du service public, certes elle est responsable du manque à gagner qui grève le budget de France Télévisions, mais c’est un autre problème. Que l’on soit dépendant en partie de rentrées publicitaires est une chose ; l’autre est d’être dépendant des décisions d’un système qui ne connait que son centre, pour ne pas dire que son nombril.

 

David Grosclaude

2 commentaires

  1. Haertelmeyer · novembre 10, 2012

    Bonsoir,
    On s’est rencontré au dernier forum des langues régionales et je vous ai parlé d’un texte sur l’Occitanie victime ou coupable ? et vous m’avez fait de votre intérét à le lire. Je l’ai fait parvenir par e-mail au Partit Occitan pour qui vous le transmette. L’avez-vous reçu ? Si oui auriez-vous le temps de me donner votre avis. Daniel Rifa du Partit occitan à contribuer à améliore ce texte. Je suis en train de le réaliser sous la forme d’une BD, photos et vidéos et devrait paraître en janvier 2013. Nouveau blog depuis le 20 septembre 2012 (2500 visites) titre l’Occitanie dans tous ses états ! http://www.occitaniaactu.eklablog.com
    Cordialement Pierre Haertelmeyer

  2. Alet · novembre 10, 2012

    David,

    Oui, France 3 va mal. Mais France 3 va mal depuis trop longtemps déjà.
    Je ne peux qu’approuver ce que tu dis dans ce papier mais je voudrais juste me permettre d’apporter quelques précisions, surtout lorsque je regarde mes onze années de travail passées à France 3 Toulouse, en particulier sur les programmes en occitan.
    La lente et régulière érosion des programmes régionaux à commencé il y a 5 à 7 ans. Petit à petit, tous les programmes autres que ceux qui sont purement « info« ont commencé à disparaitre de l’antenne.
    Je parle des émissions du samedi après-midi en direct, puis plus tard de la large tranche d’info et de programme entre 12h et 14h, et d’autres encore… C’est également à cette période là que les grilles de « vacances d’hiver » sont apparues, nous obligeant à laisser la case régionale habituelle (celle du dimanche à 11h30 par exemple) au national. Tout a commencé par la suppression d’un dimanche la première année, puis de deux l’année suivante et puis trois… depuis cinq bonnes années maintenant.
    Lorsqu’on regarde cette dégradation progressive, comment ne pas imaginer qu’il ne s’agit pas d’une mort lente parfaitement planifiée et réfléchie?
    Mais le véritable coup de massue est arrivé avec l’annonce de Nicolas Sarkozy de supprimer la pub à partir de 20h sur le chaines publiques. Cette révolution annoncée a surtout permis d’ouvrir la porte à un immense grand n’importe quoi en terme d’organisation à FranceTélé et à France 3 en particulier. La création des fameux « pôles » en est l’illustration parfaite. Là où on nous avait promis des économies, ce sont les strates de responsabilités qui se sont démultipliées…
    L’autre effet secondaire de la réforme de Sarkozy est bien sur celle des ressources. On nous a supprimé la pub qui rapporte le plus et c’est véritablement cette année, en 2012, que les effets sont les plus visibles. En clair, la commande est issue de la droite et l’addition arrive enfin pour la gauche. La digestion va être pénible.
    Pour remédier à ce problème, il suffirait peut-être de nous refinancer grâce à cette pub, qui oui rapporte des moyens pour bosser. Il est impensable de demander aux citoyens français de payer plus cher encore cette redevance. Surtout quand on voit le niveau des programmes proposés.
    La télé, ça coute cher et l’argent se trouve chez les annonceurs et pas dans les portes-feuilles des contribuables.
    Mais la télé… c’est terminé. Et il faudrait penser à se focaliser sur un autre médium, le seul et unique pour les décennies à venir : le net. C’est probablement en 2013 qu’une bascule va s’opérer. Celle du temps passé à consommer des programmes devant un écran. Internet va dominer la télé, c’est juste une question de temps. Se battre pour une véritable télévision régionale décentralisée est certes louable mais je pense que c’est inutile.
    Si France 3 ne se réforme suffisamment et rapidement pour être fort, innovant et leader sur le net, alors… France 3 disparaitra. La véritable révolution est donc celle-là, à mes yeux. Celle qui consiste à modifier génétiquement la façon de travailler dans cette chaine. Mais cette révolution-là, est totalement « décentralisable… ».

    Clément Alet, journaliste à France 3 Midi-Pyrénées.

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