Lutter contre l’illettrisme oui, mais si on prenait en compte la diversité linguistique ?

Je suis intervenu ce lundi 4 mars en séance plénière du Conseil Régional d’Aquitaine sur le plan de lutte contre l’illettrisme qui fait l’objet d’une convention entre la Région et l’Éducation Nationale.

La Région Aquitaine consacre plusieurs millions d’euros à cette question.

Je mets en copie le texte de mon intervention.

 

 

« Mes chers collègues

  Je voudrais juste faire une remarque quant à ce document. Je trouve qu’il est caractérisé par une ambigüité sur le plan du vocabulaire employé. J’imagine qu’il s’agit d’une mauvaise habitude de l’Education nationale puisque l’ambiguité est particulièrement évidente pour ce qui est de la partie du texte concernant le dépistage à l’école.

Je lis à plusieurs reprises dans ce document que pour l’évaluer et ensuite combattre l’illettrisme il faut évaluer et améliorer « la maitrise de LA langue ».

Il me semblerait plus juste de parler de maîtrise du langage.

De parler de « la langue » laisse à penser que seule la maîtrise du français, puisque j’imagine que c’est du français dont il serait  le seul critère juste et pertinent pour détecter un illettré.

 

S’il est indéniable que la maîtrise du français est un élément majeur d’insertion professionnelle elle ne peut être un élément d’évaluation universel de l’illettrisme.

Je ne vois nulle part apparaitre l’idée que l’on pourrait s’appuyer sur les compétences linguistiques autres, chez les enfants et les adolescents repérés comme ayant des difficultés à lire et à écrire, afin de les sensibiliser à la lecture et à l’écriture.

N’est il pas dommage de ne pas prendre en compte les compétences linguistiques de centaines de milliers de personnes qui vivent chez nous, qui pratiquent une langue en famille qui n’est pas le français, mais qui ne pourront jamais, à l’école, avoir la moindre sensibilisation à la forme écrite de leur propre langue ? Ne serait ce pas un moyen efficace de les mener à une maîtrise de l’écrit aussi en français ?

Que de compétences gaspillées ! Alors que ces compétences pourraient être utiles à la collectivité toute entière !

Nous avons pratiqué cela dans notre pays pendant des années avec des enfants de notre territoire arrivés à l’école sans maîtriser le français et nous suivons la même voie aujourd’hui avec les enfants de l’immigration.

 Aujourd’hui nous ne manquons pas d’expérience dans notre région en ce domaine du bilinguisme précoce et de sa capacité à améliorer les compétences langagières, et donc la maitrise de la lecture et de l’écriture.

Dommage que l’on ne trouve pas trace de cela dans le document et que l’on ne s’appuie pas sur cette expérience »

Un commentaire

  1. Cécile Saint-Martin · mars 6, 2013

    Article très juste, c’est la face sombre de la problématique « illettrisme », obsolète en cela à mes yeux, voire dangereuse. Tu as très bien fait de poser le doigt là où le bât blesse, d’autant qu’on voit l’usage qu’en font certains.
    Sur une question proche, on pourra (re)lire l’excellent et salutaire article de Philippe Blanchet (oui!) et Jo Arditty qui montre les différentes facettes de la xénophobie cachée dans le paradigme que l’on pourrait désigner comme étant celui de la « défense de la langue française», ici : Jo Arditty, Philippe Blanchet, « La « mauvaise langue » des « ghettos linguistiques » : la glottophobie française, une xénophobie qui s’ignore « , REVUE Asylon(s), N°4, mai 2008, Institutionnalisation de la xénophobie en France, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article748.html

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