Ecrivons aux responsables de ce calamiteux vote du 14 janvier à l’Assemblée Nationale. Voici la lettre que j’envoie à Bruno Le Roux, président du groupe des députés de la majorité socialiste à l’Assembleé. Vous pouvez la reprendre en la signant de votre nom et en y ajoutant et en y retranchant ce que vous jugez utile.
La démocratie n’est pas en bonne santé. C’est une raison de plus pour ne pas accepter que soit laissé sans réponse ce qui s’est passé à l’Assemblée Nationale le 14 janvier dernier. Chaque député a en main l’ordre du jour des débats. Chacun aurait pu, s’il l’avait voulu, s’il avait jugé que c’était important, être présent lors du débat sur la proposition des langues régionales déposée par Paul Molac. Si cette question ne fait pas partie de ce que tel ou tel député juge prioritaire ou important, c’est un choix qu’il doit assumer.
Pour cette raison je vous propose cette lettre au président du groupe socialiste, républicain et citoyen, qui est majoritaire.
bleroux@assemblee-nationale.fr
Une copie au président de la commission des lois Jean-Jacques Urvoas sera utile aussi.
jjurvoas@assemblee-nationale.fr
Nous devons obtenir des réponses.
M.Bruno Le Roux
président du groupe socialiste, républicain et citoyen
à l’Assemblée Nationale.
Monsieur le président,
Lors de la séance du jeudi 14 janvier à l’Assemblée Nationale avait lieu un débat sur une proposition de loi déposée par votre collègue Paul Molac. Cette proposition de loi relative aux langues régionales a été rejetée par le vote des députés de votre groupe.
En effet il n’y avait que 24 députés en séance. Pourtant ce texte a été rejeté par 14 voix contre, 13 pour et une abstention ; soit 28 votants.
Cette arithmétique étrange n’a pas manqué d’étonner de très nombreux citoyens. En effet ce vote négatif n’a été obtenu que par la participation de quatre députés socialistes « en mission », dans le cadre d’un scrutin public, demandé par votre groupe. Je ne méconnais pas la procédure de vote mais, comprenez que ce procédé est choquant dès lors qu’il s’agit de compenser une absence de députés en séance.
Pour bon nombre de citoyens, très attachés à la diversité linguistique, ce vote est une attitude méprisante à l’égard de leur langue et de leur culture.
Selon les informations que j’ai obtenues, aucune consultation des députés absents n’a été faite avant ce vote. Personne ne leur a demandé leur point de vue sur le sujet. Pourtant deux d’entre-eux se sont déclarés à plusieurs reprises des défenseurs ardents de la langue occitane. Leur crédibilité est maintenant sur le sujet réduite à néant. Ils gèreront cela eux-mêmes dans leur circonscription !
Certes, dans le règlement de l’Assemblée Nationale rien n’obligeait à les consulter, mais croyez-vous que notre démocratie soit en assez bonne santé pour que les citoyens comprennent cette procédure ? Ils la voient comme de la désinvolture, comme un manque de respect.
J’ajoute à cela que ce vote est en totale contradiction avec celui qui avait été obtenu lors du débat, en 2014, sur la proposition présentée par Jean-Jacques Urvoas portant sur la ratification de la Charte européenne des Langues Régionales ou Minoritaires. Lors de ce vote, dans l’exposé des motifs développé en séance par le président de la commission des lois, on allait, sous bien des aspects, aussi loin que la proposition Molac rejetée jeudi.
Qui doit-on croire ? A quel moment votre groupe exprime-t-il sa pensée sur le sujet ?
En tout état de cause, entre la promesse faire par le candidat Hollande sur la ratification de la Charte européenne des Langues Régionales ou minoritaires, le débat qui a eu lieu sur le même sujet à l’Assemblée Nationale (sans suite) et le nouvel engagement du président de la République en 2015 (sans suite non plus) sur la même Charte, vous conviendrez que le bilan est très négatif.
Vient s’ajouter aujourd’hui ce vote contre un texte qui n’a pas mobilisé les députés de votre groupe ; en tous cas même pas assez pour qu’un vote négatif soit assumé de façon claire.
Je me permets de vous rappeler que la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti avait, en 2013, commandé un rapport (*) à une commission composée de dix personnes afin de lui faire des propositions sur la question des langues de France. Même ce rapport n’a pas donné lieu à la moindre application concrète, alors que la commission avait travaillé de façon à ce que la plupart des propositions puissent être mises en oeuvre dans le cadre de la législation actuelle.
Il y a dans ce texte, rédigé par un groupe de personnalités très diverses, des propositions qui auraient pu alimenter votre réflexion et même donner lieu à une proposition de loi. Faut-il encore en vouloir une ?
Je me permets donc de vous demander quelles mesures vous comptez prendre pour que cette « bavure », ce vote plus qu’étrange du 14 janvier, soit réparée ?
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur le président à l’expression de mes sentiments respectueux.
En esperar la vòsta responsa que’vs pregui de créder, sénher president, a las mias salutacions occitanas.
*Redéfinir une politique publique en faveur des langues régionales et de la pluralité linguistique interne, Rapport présenté à la ministre de la Culture et de la Communication par le Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne.
J’ai écrit à Le Roux et Urvoas. Je ne comprends pas pour quelles raisons devant le blocage de la ratification de la Charte par le nouveau Sénat, le Gouvernement ne fait pas voter une loi tant qu’il dispose d’une majorité à l’AN (il pourrait au besoin utiliser le 49/3 !). Serais-tu partant pour lancer un texte et/ou une pétition à ce sujet ?
Bien amicalement,
Henri Giordan