
l’arrivée du premier ministre lors de la première conférence territoriale. Il est accompagné du président du Sénat (photo services du premier ministre)
Le gouvernement affirme qu’il veut établir la confiance entre lui et les collectivités, il prétend leur donner la possibilité d’innover et d’expérimenter mais il propose un cadre tellement contraint et des méthodes tellement classiques que rien ne changera.
La lettre adressée par le premier ministre aux élus locaux à la suite de la première conférence nationale des territoires qui s’est déroulée le 17 juillet dernier, est un chef d’œuvre. Comment faire croire que l’on veut changer les choses en ne changeant rien ! Cette lettre se veut un résumé des orientations données par le président de la République.
La conférence des territoires qui se réunira deux fois par an sous la présidence du chef du gouvernement et du président du Sénat, est officiellement un lieu de concertation. Le premier ministre explique dans sa lettre que : « Notre République est décentralisée : nous devons en tirer toutes les conséquences, donner aux libertés locales toute leur force, permettre les initiatives dont notre pays a besoin ».
Le chef du gouvernement cite un certain nombre de conditions pour que la relation soit bonne entre l’État et les collectivités. Il y met « la confiance » et explique qu’aucune décision ne sera prise concernant les collectivités sans que celles-ci ne soient consultées. Il insiste ensuite sur la « liberté » expliquant que nous n’en sommes plus à l’époque où « la République n’imaginait son unité qu’au prix de l’uniformité ». Le premier ministre se dit prêt à laisser « la liberté aux territoires d’adapter leur organisation aux réalités locales dès lors que ces adaptations recherchent l’intérêt général » . On évoque même un pouvoir « d’expérimentation élargi ».
Mais la lettre se poursuit en disant que l’on ne touchera pas aux grands équilibres de la loi NOTRe en dehors de « quelques ajustements techniques ».
Pas question non plus dans ce texte de revenir sur les grandes décisions qui affectent les collectivités comme par exemple la suppression de la taxe d’habitation. Pas question dans cette lettre de réforme de la fiscalité qui permettrait aux collectivités de respirer et d’avoir enfin une certaine autonomie.
Les 13 milliards d’économie sur cinq ans sont confirmés. C’est un dispositif de « suivi et de pilotage des dépenses des collectivités » qui sera mis en place pour qu’elles aient plus de « visibilité et de prévisibilité sur leurs ressources ». Les 13 milliards d’économie donnent déjà une certaine prévisibilité !
En clair les collectivités sont libres à condition qu’elles rentrent dans un cadre si contraint que l’on se demande ce que vaut cette liberté d’imaginer, d’innover et d’expérimenter mise en avant par le chef de l’État et le chef du Gouvernement.
On discutera donc dans cette conférence territoriale de la façon dont on essayera de faire semblant de changer les choses en ne changeant rien.
La lettre se termine par un questionnaire adressé aux maires. On leur pose quatre questions afin qu’ils alimentent le débat de la prochaine conférence des territoires.
La première consiste à demander aux élus s’ils constatent une aggravation de la fracture territoriale et dans quels domaines devrait agir l’État pour améliorer les choses. La deuxième est en relation avec les normes qu’il conviendrait d’alléger afin de faire des économies. La troisième évoque les difficultés à engager des projets d’investissement par les collectivités, en raison du manque de moyens, et demande de quelle « aide en ingénierie » elles auraient besoin pour pouvoir mettre en place ces projets.
La dernière est une pêche aux idées puisque les élus sont priées de lister les bonnes pratiques, les innovations et initiatives qu’il conviendrait de faire connaître afin de les reproduire ailleurs.
Mis à part la dernière question, mais qui ne coûte rien, les autres sont des questions très fermées qui rentrent en contradiction avec le contenu de la lettre. Où est la liberté annoncée ? Où est la capacité d’initiative des collectivités ?
Cette conférence des territoires ne semble pas vouée à un grand avenir, sauf si ceux qui y participent acceptent de faire semblant d’y voir un vrai dialogue.
La gestion des territoires selon Macron et Philippe c’est comme avant avec en plus un lieu et des moments pour que l’État puisse dire comment il souhaite orienter la vie des collectivités et obtenir le soutien de leurs représentants. Nous sommes donc aux antipodes de la « République décentralisée ».
David Grosclaude