L’État ne semble vouloir prendre aucune responsabilité en matière de langues dites régionales. Pas de Charte et un débat caricatural sur les langues à l’école. Si c’est ça la base de la politique linguistique publique, ce sera difficile de bâtir du solide. En une semaine les principales promesses ont été enterrées.
Ainsi donc la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ne sera pas ratifiée !
On commençait à se douter que la chose arriverait. Un bon prétexte d’inconstitutionnalité, qui ne tient pas la route, nous a été servi une fois de plus. La gauche annonce ainsi qu’elle est capable de faire aussi mal que la droite.
Tout cela ne serait rien s’il n’y avait eu, en même temps, l’épisode du débat sur la loi de rénovation de l’école. On y a entendu des propos d’un autre temps. On sait très bien que le ministre de l’Éducation a fait semblant de faire des concessions pendant plusieurs semaines pour enfin se ranger derrière ceux qui ne voulaient rien laisser passer.
Que l’on ne me dise pas que tout cela n’est que le fruit du travail occulte d’un groupe qui serait quelque part, actif dans l’administration ou que ce serait le travail de sape d’une organisation qui se tapie dans l’ombre. Non tout cela est une décision politique assumée et le produit d’une idéologie d’un autre temps.
D’un autre temps, parce que c’est ainsi depuis près d’un siècle lorsque l’on débat des langues dites régionales dans ce pays. L’État ne veut rien lâcher. Il est convaincu qu’il joue son existence dans cette affaire. Il craint le débat et donc l’esquive.
N’ayant pas la culture philosophique de Vincent Peillon, mon socle des connaissances étant certainement moins vaste que celui du ministre de l’Éducation, je me permets cependant de regretter, que lui, homme de gauche, n’ait pas lu ou relu un ou deux articles de Jaurès sur la question.
Les informations que nous avons pu avoir montrent clairement que les plus hauts responsables de l’État étaient parfaitement au courant de ce qui se jouait. Les ministres les plus influents ont été approchés par des élus (parlementaires et autres) afin de leur dire que le moment était venu de lâcher du lest. Ils n’ont rien voulu savoir et cela réjouit les plus durs des pourfendeurs de « patois et dialectes locaux ». Ils sont heureux ! Le gouvernement n’a même pas osé essayé de présenter la ratification de la Charte lors d’un débat sur la modification de la constitution.
Deixonne
Il nous reste la nostalgie de la loi Deixonne, époque lointaine de ce député du Tarn qui n’avait rien à faire ou presque de la question des langues — il n’était pas un militant — mais qui revendiquait le fait d’être un « parlementaire consciencieux». Il avait donc fait voter une loi, certes à minima, mais il l’avait faite passer malgré les pressions de l’époque, très fortes. Deixonne, agrégé de philosophie comme notre ministre de l’Éducation me semble t-il, m’avait dit qu’il était hésitant et qu’il n’était pas enthousiaste de rapporter sur ce sujet (il était le rapporteur de la loi). Mais c’est la lecture de deux articles de Jaurés qui l’avait convaincu, m’avait-il confié. Dommage que Vincent Peillon ne les ait pas lus !
Hors des partis
Nous voilà donc revenus aux réalités d’une question qui se moque bien des partis. Des députés de la majorité et de l’opposition ont bataillé pour que quelques amendements soient votés. Parmi eux il y avait bien entendu Paul Molac le député RPS soutenu par ses collègues du groupe EELV.
Il y a eu Martine Faure, Colette Capdevielle du PS aussi et d’autres encore. On a vu Marc Le Fur de l’opposition qui tentait de se faire entendre en compagnie d’Alain Marc. Bref on a vu des députés faire leur travail. En 1951, pour la loi Deixonne on aurait cherché en vain autant de députés capables de nourrir le débat avec des propositions documentées. Deixonne n’était pas seul mais l’ambiance était moins favorable.
C’est peut-être cela qui a rendu les opposants si combattifs ! Le rapporteur du texte particulièrement, a fait un travail très soigné pour écarter peu à peu tous les amendements, sauf un, qu’il a réécrit en lui donnant une couleur fin XIX ème siècle.
Mais cela ne se fait pas sans autorisation, sans encouragement venus de plus haut. Et c’est sans doute cela qui met de mauvaise humeur un certain nombre de responsables socialistes qui se demandent ce qui a pris le gouvernement de se renier à ce point. Il faut dire que la future loi sur les collectivités a déjà coupé les pattes des plus enthousiastes.
Les promesses
Il nous reste maintenant à aller voir ceux qui ont fait les promesses et à leur demander ce que sera la suite.
D’abord il y a le président de la République. Il nous a promis un statut « clair et stable» pour les langues régionales. Vu l’ambiance je crains que ce statut ne soit la mort programmée. Il est vrai que la mort c’est clair et on ne peut plus stable…
Il y a aussi le président du Sénat, venu à Toulouse en mars 2012, pour dire que l’on pouvait « compter sur lui » pour défendre les langues.
C’est le moment de tenir cette promesse. Le texte de loi sur l’école va passer au Sénat et il y a des sénateurs prêts à batailler. Alors rien n’empêche le Sénat de renvoyer, corrigé, le texte aux députés. Il faudra ensuite négocier. Mais qui sait si le Sénat ne sera pas prié, lui aussi, de ne rien laisser passer.
Mais cette affaire n’est pas une affaire de droite et de gauche. Les partisans et les adversaires se trouvent d’un bord et de l’autre. Il se trouve juste que l’État vient de montrer qu’il ne voulait aucune responsabilité en ce domaine. Il ne veut rien faire pour les langues si ce n’est les laisser dans une situation de fragilité, menacées à chaque instant d’un petit coup d’article 2 derrière les oreilles.
Quelle politique publique ?
Je ne vois pas trop comment il sera possible de bâtir une « politique linguistique publique » dans ce contexte. Il faudrait que je relise attentivement le discours de la ministre de la Culture lors de l’installation du Comité Consultatif qu’elle a créé il y a peu, et aux travaux duquel je dois participer. Je m’interroge ; et il serait étonnant que je sois le seul membre de ce comité à s’interroger sur la suite.
Il nous reste à voir du côté des collectivités, et en particulier des régions. N’en déplaise à ceux qui pensent que sans l’État comme arbitre rien ne pourra se faire, nous avons aujourd’hui l’impression que le peu que peuvent faire les collectivités est menacé par une absence de politique d’État et même par une hostilité.
L’avenir nous dira, et certainement plus vite qu’on ne le croit, si cette menace est véritable.
Une pression supplémentaire sur les collectivités pour qu’elles réduisent leurs budgets et le tour sera joué ! Alors soyons attentif !
Il reste une chance au gouvernement mais la porte est étroite. Vite une loi ! Oui, parce que la Charte ce n’est finalement que du symbole. Ce qui compte c’est de mettre en place une politique et de la consolider avec un cadre. C’est ça le vrai choix, le vrai courage politique.
Ne désespérez pas la démocratie !
Pour terminer, je voudrais dire combien il est dommage que l’on ait pas compris dans certains ministères et cabinets ministériels que, lorsque l’on a des réseaux associatifs, des parents d’élèves, des enseignants, des artistes, des militants prêts à se battre pour un intérêt aussi peu matériel que la survie d’une langue, il s’agit d’un véritable engagement citoyen, un acte d’une rare qualité républicaine, un bien précieux en démocratie.
Ces militants, ces bénévoles, sont aussi pris dans la réalité économique et sociale et ses difficultés ; ce n’est donc pas la peine de leur chanter le refrain des priorités face à la crise ; ils les connaissent et les vivent comme les autres. Mais ils ne sont pas des désespérés de la démocratie ; enfin pas encore. Si l’on pouvait éviter de les décourager ce serait salutaire.
David Grosclaude
Bonjour,
Sans doute que vous n’avez pas encore visité mon blog, notamment sur le procès Occitanie victime ou coupable ? Deux ans de travail (reportages, colloques …). je ne suis pas un occitan de naissance mais de coeur (20 ans de pratique, lancement d’une asso (Trad troubadous sur le 47) deux spectacles sur l’Occitanie etc.) Je suis né d’une mère basque du sud (Bilbao) d’un arrière grand-père alsacien, d’un grand-père et père bretons et né en 1940 à Saint Etienne…
Reste que ce procès ne fait que relater toutes les rencontres avec des occitans mais également ceux qui y vivent mais ne sont pas occitans. Si vous voulez que ces derniers adhèrent alors commencez par leur parler la langue qu’ils connaissent le Français. Ce que vous n’avez pas fait à Agen ! Ne faîtes pas comme François 1er qui a imposé le Français à la place du Latin et éradiquer les langues régionales.
Si vous voulez en savoir plus visitez le blog et surtout le verdict une fois la dernières des 8 séries parues. Il sera tout à fait dans la réalité actuelle de l’Occitanie. http://www.occitaniaactu.eklablog.com
Nous nous sommes rencontrés à Langon.
Cordialement
Pierre Haertelmeyer Journaliste webmaster