Que du mépris !

Voilà ce que nous ressentons .Cette réforme va encore se faire au détriment de l’enseignement de l’occitan et en occitan. je suis un privilégié. J’ai eu droit pour me convaincre à un coup de téléphone personnel du cabinet de la ministre (fort courtois) et à un mail d’explication sur les bienfaits de cette réforme pour l’enseignement de l’occitan.

Qu’il est empêtré dans son discours sur l’école ! Je parle du gouvernement.

Je suis de ceux qui font le métier d’enseigner l’occitan dans un collège. Pas depuis longtemps parce que mon métier de base c’est autre chose. Mais depuis que je suis élu j’ai pris quelques heures d’enseignement de l’occitan dans un collège.

C’est un métier très mal payé; surtout pour ceux qui n’ont que ça et qui sont contractuels. Moi j’ai choisi de travailler en plus de mon mandat d’élu, non pas pour le salaire mais pour garder un contact avec certaines réalités.

Puis il aurait été dommage de laisser des élèves sans professeur d’occitan.

Je les ai quand même laissés hier pour faire la grève. Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec toutes les critiques entendues sur la réforme mais je suis convaincu sur un point : le gouvernement s’y prend mal. Et la publication de son décret le lendemain de la grève ? Ce n’est pas très adroit.

J’ai fait la grève parce je suis convaincu que cette réforme va encore se faire au détriment de l’enseignement de l’occitan et en occitan. C’est à chaque fois pareil : dans les cabinets ministériels ils ne prennent jamais en compte les langues dites régionales quand ils commencent à rédiger un texte. Alors il nous faut protester, exiger, manifester pour qu’on ne nous enlève pas ce que l’on a réussi à gagner péniblement. 

Et cette fois-ci la règle a été la même ; la réforme s’est faite sans tenir compte de nos langues, occitan, breton…

Pourtant je suis un privilégié. J’ai eu droit pour me convaincre à un coup de téléphone personnel du cabinet de la ministre (fort courtois) et à un mail d’explication sur les bienfaits de cette réforme pour l’enseignement de l’occitan. Ce n’était pas le modeste professeur d’occitan que l’on appelait, mais l’élu membre du Partit Occitan qui venait de communiquer sur cette réforme en disant qu’elle était mauvaise.

C’était bien tenté, mais les explications n’étaient pas convaincantes parce qu’il n’y avait rien sur la question de la mise en concurrence des heures d’occitan avec celles des autres langues vivantes. Quant au fait que l’occitan pourrait trouver sa place dans la mise en place d’enseignements interdisciplinaires c’était plus que léger. Tout cela ne me convainc pas. La plupart des enseignants d’occitan, plus habitués que moi au fonctionnement quotidien de l’institution, sont eux aussi convaincus que cette réforme est faite avec un mépris total pour ce que nous représentons. Le 6 juin il y aura une manifestation sur ce sujet à Périgueux. Il en faut d’autres.

Du mépris : voilà ce que je ressens de la part de l’État central. Et je ne suis pas le seul. Ce mot je l’entends de plus en plus. Alors que le dialogue s’est instauré de façon positive et constructive avec des recteurs autours des conventions entre régions et État ( là c’est le conseiller régional qui parle), on sent que l’administration centrale méprise souverainement tout cela. Pourtant du travail a été fait grâce à un dialogue sur le terrain, grâce à une compréhension mutuelle des problèmes.

Ainsi le rectorat de Bordeaux (je parle de ce que je connais mais c’est aussi le cas à Toulouse me semble-t-il) fait un effort pour qu’il y ait plus de postes offerts au concours d’enseignement bilingue. Dans le même temps j’ai impulsé la création de bourses octroyées par la Région Aquitaine (Ensenhar) afin d’encourager les étudiants à passer le concours de professeur des écoles bilingues. De la même façon nous travaillons avec le rectorat et les départements à l’ouverture de nouveaux sites bilingues chaque année. Il devrait y en avoir cinq nouveaux à la rentrée 2015.

Nous travaillons sur la formation des maîtres, sur le renforcement de l’occitan au lycée… Oui mais dans les ministères on ne semble rien voir de tout cela.

Il y a du mépris, pas seulement de la désinvolture ou de la mauvaise information.

D’autres exemples ? Vous en connaissez tous. Je vous livre les miens.

En 2013 j’ai participé avec neuf autres personnes (des parlementaires, des experts, des universitaires) au travail d’un comité consultatif chargé de remettre des propositions sur le thème : « Redéfinir une politique publique en faveur des langues régionale et de la pluralité linguistique interne ». Le travail a été sérieux. Il a été possible d’auditionner plus de soixante personnes sur tous les sujets relatifs au thème choisi par la ministre de la Culture. Les propositions formulées sont concrètes, économiques, simples et plus que réalistes.

Mais aucun résultat n’a été enregistré à ce jour mis à part un petit fascicule publié par la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France) où sont répertoriés les divers textes relatifs aux langues de France. Mais pour ce qui est de mesures visant à développer les langues minorisées : rien !

Pourtant ce rapport a coûté de nombreuses réunions à Paris pendant quatre mois. Il a fallu payer des déplacements, mobiliser des personnels ; bref ça a coûté de l’argent…pour rien.

Vouloir nous faire patienter avec du vent, j’appelle cela du mépris. D’autant plus que cette commission a travaillé parce que la promesse de ratifier la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires s’évanouissait. Il devait s’agir de faire des propositions pour compenser cette promesse non tenue.

Certes, je ne suis pas naïf. Je sais que les promesses sont faciles à faire. Cependant si les tenants du cynisme qui consiste à dire que « c’est toujours comme ça », « que les rapports ne servent à rien » réfléchissent un peu, ils verront que ce cynisme pourrait demain se transformer en catastrophe.

Il ne fait qu’alimenter les argumentaires de ceux qui nous préparent des lendemains noirs et qui dénigrent la démocratie.

De la même façon, quand l’État se refuse à publier un décret permettant la création de l’Office Public de la Langue Occitane, il s’agit d’un double mépris. Tout d’abord il méprise le vote unanime de deux assemblées régionales (Aquitaine et Midi-Pyrénées) qui ont approuvé la création de cet Office Public. Deuxièmement il marque une fois de plus le mépris pour le travail d’élus qui souhaitent œuvrer en faveur de l’occitan.

Je ne m’étends pas sur l’estime que peuvent avoir certains cabinets ministériels pour les décisions prises par des élus régionaux. Cela explique comment on en est arrivé à la réforme que nous allons voir bientôt appliquée : ne rien changer en faisant semblant de changer tout, en expliquant que tous les problèmes sont de la faute des collectivités.

Je suis convaincu dans cette affaire que le mépris pour l’occitan est bien présent. Mais il y aussi un peu de crainte. La Corse est une île et le Pays Basque c’est en bas à droite. Et je m’empresse de dire que basques et corses ne sont pas traités non plus avec la dignité qu’il convient dans une démocratie concernant leur langue.

Mais l’occitan, c’est trop grand. Et les bonnes vieilles idées réactionnaires concernant cette diversité de langues qui pourrait menacer la République ne sont pas mortes. Il semble bien que l’on ait oublié à gauche de relire Jaurès sur ce sujet et qu’à droite on ait un peu trop envie de faire plaisir à des gens plus à droite encore.

Oui, voilà ce que je ressens aujourd’hui : du mépris. Et quand il est combiné à de l’arrogance c’est encore plus inquiétant pour l’avenir de la démocratie.

4 commentaires

  1. Bourdoncle Estève · mai 20, 2015

    Mesprés, òc ! c’est du mépris mais qui cette fois avance au grand jour. Tant que la question des langues et cultures de France dites régionales ne sera pas dans le débat national il n’y aura pas d’avancée… La manifestation coordonnée par Anem òc ! depuis 2005, ne servira ou n’aura servi à rien si nous ne sommes pas capables de nous unir tous et toutes gens et cultures de régions de France pour porter nos doléances, notre indignation et même notre revendication ensemble.
    Le moment est venu de poser une réflexion à un autre niveau… Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre une autre attaque franche ou par défaut contre notre identité occitane.
    de seguir…

  2. jfblanc · mai 20, 2015

    Le gouvernement et l’administration centrale de l’éducation nationale sont déconnectés de la réalité, pour des raisons différentes, certes. Pour le gouvernement, la chute n’en sera que plus douloureuse. En décembre, le gouvernement n’aura pas ma voix.

    • Oc_Soïssa · mai 21, 2015

      Une voix de moins pour le gouvernement actuel d’accord, mais tant qu’on ne sortira pas de ce système ultra-centralisé et antidémocratique, il n’y aura aucune alternative possible.

  3. ESCAFIT Joan-Loís · mai 20, 2015

    Je ne veux pas que la promotion de la place de la langue occitane et de tous les éléments de la vie culturelle qui lui sont liées dans tout le parcours scolaire serve de prétexte au blocage d’une réforme nécessaire pour que le collège réduise vers le haut les inégalités socio-culturelles au lieu de les aggraver. Evidemment il ne faut pas que la mise en oeuvre de la réforme génère un trou en 6ème dans une filière (celle amorcée avec les calandretas qui n’ont pas peur de l’immersion dans une pédagogie insitutionnelle vivante pour compenser la bien trop faible présence de la langue d’oc, dans la richesse de ses différents parlers, et avec les trop rares et pas assez immersives sections bilingues), filière des classes materneles aux classes terminales qui devrait exister dans chaque bassin de formation (comme, au moins sur son aire géo linguistique,, chaque autre langue vivante historique de la république autre que le français) où l’occitan serait à égalité avec le français (ce dernier devant passer dans une transition programmée du statut de langue officielle unique à celui de langue commune, co-officielle), et en étant au moins aussi accessible que la langue étrangère la plus enseignée, la sensibilisation à une 3ème langue, celle-ci étrangère, étant introduite dans le cursus sans attendre la classe de 5ème). IL faudra aussi obtenir une présence de l’occitan ou de l’autre langue historique vivante autre que le français de l’aire géo linguistique où est implanté le collège) dans les temps interdisciplinaires de 5ème de manière à ce que chaque collégien-ne apprenne un minimum d’éléments écrits et oraux sur la langue qui imprègne encore la toponymie, l’accent, le vocabulaire, la syntaxe, l’histoire, la vie culturelle de là où il vit… La réponse la plus efficace au mépris pour éviter de rester dans la « vergonha » c’est la fierté: demandons par exemple aux candidat-e-s aux régionales de s’engager sur la signalétique bilingue, écrite et parlée, des gares et des trains TER, sur la présence de l’occitan sur les sites internet et les standards téléphoniques des services régionaux, sur la place de l’occitan (y compris sous les formes musique, danse, sports traditionnels…) dans les divers centres de documentation publics et dans des cérémonies officielles telles que les commémorations de fin de guerre…
    Bref, ne répondons pas au mépris par un repliement, affirmons collectivement notre fierté d’être des citoyen-nes du Monde et d’Europe, de nationalité occitane par choix et de droit français pour pouvoir agir dans un système juridique où les Etats-Nations restent incontournables même si leur pseudo souveraineté est mise à mal par les multinationales capitalistes et les quelqeus grandes puissances militaires. Mobilisons-nous d’urgence pour élargir la place des langues vivantes historiques autres que le français plutôt que pour être instrumentalisés comme force d’appoint dans un refus de la réforme du collège entretenant un système de silos disciplinaires de plus en plus inadaptés à un monde où il est beaucoup plus facile de compenser les insuffisances de savoir par les nouvelles technologies d’information et de communication que d’accéder par des méthodes pédagogiques beaucoup plus actives et attentives aux valeurs humanistes aux nécessaires savoir faire et savoir être permettant le vivre ensemble dans le respect réciproque et enrichissant des différences, dont la glossodiversité qui relève du patrimoine immatériell de l’humanité dont chaque Etat devrait garantir la sauvegarde et la promotion: l’intervention tardive pour essayer de rassurer un élu occitaniste seulement à partir du moment où il a commencé à exprimer au nom de son parti un avis négatif sur la réforme, et après des polémiques bien plus relayées dans les médias sur la place de l’allemand ou des langues anciennes annoncée, en dit long sur la courte vue de nos gouvernants sur les enjeux des langues vivantes historiques de la république autres que le français: c’est pourquoi il serait important que la mobilisation en leur faveur en amont des prochaines élections régionales associe tous les défenseurs et promoteurs de ces langues dans l’hexagone et outre mer. Même réussi (et il ne sera pas évident de faire mieux que le 31 mars 2012 à Toulouse puisque le collectif organisateur s’est resserré, un 24 octobre occitano occitan dans la métropole montpelliéraine peut y contribuer mais n’y suffira pas, et il ne faut pas oublier le risque que présente pour l’occitan l’appellation « langues et cultures régionales », surtout au moment où David Grosclaude nous apprend que l’État se refuse à publier un décret permettant la création de l’Office Public de la Langue Occitane, demandé à l’unanimité par les conseils régionaux d’Aquitaine (fusionnée le 1er janvier 2016 avec Poitou Charentes et Limousin) et de Midi-Pyrénées (fusionnée avec Languedoc-Roussillon): il faut des engagements des candidats des autres régions concernées (Rhône Alpes Auvergne et Provence Alpes Côte d’Azur) pour qu’elles participent avec l’Etat à cet Office Public… qui aura plus que jamais besoin d’un accompagnement critique de la société civile de l’ensemble des pays occitans.

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